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Publié par Goutelle Lionel

Conspiraccy Watch : une réfutation auto destructive d’ arguments dits « pro Poutine ».




Conspiracy Watch semble s’atteler à démonter (et démontrer) que ceux qui contestent les institutions et l’ordre du monde (assimilés bien souvent à des « complotistes » mal informés, ou mieux, pratiquant sciemment la déformation des faits pour fonder leur contestation) s’appuient sur des arguments souvent fallacieux (1).
 

Outre qu’on peut lui répondre que dans l’histoire, si les révoltés inventent souvent des arguments faux (comme par exemple les paroles probablement inventées de la Reine à la veille de la révolution française déclarant « qu’on leur donne de la brioche »), ils savent par contre reconnaître que quelque chose ne tourne pas rond, et repérer « instinctivement » leurs ennemis (2). Et que donc, même s’ils n’ont pas la science du démontage des mensonges de ceux qui les dominent (3) , ils se défendent comme ils peuvent. Et entre autre chose, en inventant des faits faux, ce qui a sa nécessité et sa logique propre dans le combat qu’on leur mène et contre lequel ils se défendent comme ils peuvent. Demander aux dominés de lire le Monde Diplo ou Bourdieu pour avoir le droit de contester leur domination est particulièrement risible et socio-illogique. Si tu te fais « baisé » et que tu n’arrives pas à le démontrer par la raison, tu le sais et tu fais plus confiance à tes affects qu’aux « démonstrations » de Dominique Seux sur France Inter comme quoi « le réel est ainsi » et que tu luttes contre des moulins à vent. N’en déplaise à Dominique Seux et ses amis directs ou indirects, le réel se construit et se change, parfois brutalement (et bien souvent suite aux refus d’évoluer et aux dénégation des dominants sur leur domination) . Et d’ailleurs, quand ces affects sont travaillés tous les jours par l’adversaire (qui croit que parce qu’il a donné une apparence de logique irréfutable à sa domination, le dominé finira par l’accepter) , ils finissent logiquement par éclater dans une violence dite faussement « gratuite. » (4) Spinoza en avait déjà reconnu la nécessité. Et les historiens et les sociologues l’ont maintes fois démontré. Il y a des raisons à la révolte des dominés et ils ont des raisons d’agir ainsi.
 

Mais bref, revenons à notre organisation qui justement croit chasser la fausseté et l’illogisme du « complotisme » . Et cela sur un cas bien précis d’après eux : l’invention par les pseudos « pro Poutine » (5) de preuves fausses comme quoi les occidentaux (les américains et l’Europe dite « libérale ») auraient promis à Gorbatchev de ne pas étendre l’OTAN à l’est dans les années 90. Ce « démontage » est d’ailleurs repris par France Info (6) et réfuté ironiquement (citations entre guillemets renvoyant à des documents précis) , par Le Monde Diplo (7).
 

Mais outre cette malhonnêteté du « démontage » démonté par Le Monde Diplo, est-il vraiment nécessaire de prouver quoi que ce soit à vrai dire pour un esprit neutre regardant d’un œil froid la carte de l’expansion de l’OTAN des années 90 à aujourd’hui, et donnant les mêmes droits à tous les pays (malheureusement) engagés dans la lutte pour la domination de leurs intérêts, ou au minimum pour préserver leur propre sécurité ? Spécialement s’il s’agit de « grandes puissances », comme les États Unis, la Russie ou la Chine ?
 

Personne ne peut nié (et n’a d’ailleurs nié) que les USA, lorsque l’URSS avait envisagé d’installer des missiles à Cuba (8) avait réagi en menaçant la Russie d’une guerre possiblement nucléaire et totale. Quasiment tout le monde trouvait normal que les USA n’acceptent pas qu’un pays ressenti comme hostile ne vienne installer à ses frontières des forces armées qu’il jugeait hostiles (9). Et il n’était pas question de prendre en compte l’avis du gouvernement cubain, comme on argue aussi aujourd’hui hypocritement que c’est à l’Ukraine de décider de la présence de l’OTAN ou pas sur sa frontière avec la Russie. Les américains faisaient de leur sécurité une chose non négociable par qui que ce soit.
Alors d’évidence, on ne voit pas trop pourquoi ce droit de ne pas avoir à ses frontières des forces ressentis comme hostiles ne serait pas accordé aussi aux russes ? Ou alors, comme dans l’occupation israélienne illégale depuis soixante ans de la Palestine, on « obéit » à un droit international à géométrie variable que lorsqu’il favorise les intérêts des puissances occidentales. Et dès lors le « un poids deux mesures » ainsi appliqué s’avère une auto destruction par les puissances occidentales de leur propre crédibilité lorsqu’elles prétendent travailler à l’instauration d’une justice internationale neutre.


 

 

(1) ici : https://www.conspiracywatch.info/lotan-a-t-il-vraiment-promis-a-la-russie-de-ne-pas-selargir-a-lest-pas-si-simple.html

 

(2) Eugène Varlin (ouvrier imprimeur communard) a très bien énoncé cet « instinct de classe » qui lui fait dire « tant qu’un homme pourra mourir de faim à la porte d’un palais ou tout regorge, il n’y aura rien de stable dans les institutions humaines ». C’est certainement aussi ce que la simple présence d’un SDF dans une rue, spécialement « cossue », rend insupportable à beaucoup : le rappel vivant du mensonge de la devise républicaine « liberté, égalité, fraternité ».

 

(3) Des mensonges aujourd’hui particulièrement sophistiqués (qu’on pense à « l’économie ») , détournés, et masqués des dominants pour les dominer. Car, de mémoire, comme le disait déjà Bourdieu : aujourd’hui, la domination s’entoure d’une apparence de rationalité.

(4) Le déni de la logique des affects, que pourtant on travaille activement par ailleurs,est une stratégie très courante des dominants. Qu’on pense par exemple à la stratégie -dont on ne voit pas trop comment elle ne pourrait pas être consciente- d’Israël pour faire monter depuis soixante ans au moins le sentiment d’injustice et de violence chez les palestiniens, tout en leur fermant méthodiquement toute porte de sortie diplomatique. Puis, s’appuyant sur des révoltes pourtant prévisibles et logiques (puisqu’il n’y a pas d’autres portes de sortie) que cet état a lui même sciemment fabriqué, il amplifie dans des proportions incroyables sa réponse violente en criant au « terrorisme » et à l’inhumanité « gratuite » de ses adversaires, alors que lui même passe son temps à la fabriquer ou (ce qui fait que pour le moins, on peut présumer que ce comportement vérifiable a pour but l’extermination, ou tout au moins la déportation des palestiniens de Palestine).

 

(5) sic : et non pas les pro-paix :déjà un glissement pour le moins contestable du vocabulaire.

(6) "L'Otan dans l’imaginaire complotiste", c'est le 86e épisode de Complorama avec Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, et Tristan Mendès France, maître de conférences associé à l'université Paris-Cité, spécialiste des cultures numériques et membre de l'observatoire du conspirationnisme. Un podcast à retrouver sur le site de franceinfo, l'application Radio France.

 

(7)ici : https://www.monde-diplomatique.fr/2025/05/DESCAMPS/68369. Le Monde Diplo fait des citations entre guillemets et renvoie à des documents (dont il est vrai qu’il faudrait un mois pour les lire intégralement) et se dit formel. Il est donc clair qu’une des deux parties ment. Et il serait bon que la justice tranche tant le débat est crucial et vital. Qui ment ? 
 

 

(8) En fait, on apprendra bien plus tard que l’URSS avait pris cette initiative que parce que les USA avaient eux même installé des missiles en Turquie. Et que le « deal » (réussi si mes souvenirs sont bons) consistait à obtenir le retrait de ces missiles américains contre le retrait des missiles russes à Cuba.

(9) On pourrait arguer que le passage de l’Ukraine à l’Otan ne signifierait pas obligatoirement la présence de missiles américains sur son territoire, mais une simple appartenance « administrative ». Outre que les russes ne font sans doutes plus aucune confiance aux engagements occidentaux toujours bafoués après avoir été énoncés (cf LE Monde Diplo), cet argument tombe logiquement lorsqu’on sait qu’aujourd’hui, à l’heure des missiles ultra rapides et des « dômes de fer », il n’est plus besoin d’être aussi prêt d’une frontière pour frapper son adversaire.

 

 

 

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