QUAND LES ENFOIRES PORTENT SI BIEN LEUR NOM
(Je remercie Christian Creseveur pour m'avoir permis d'utiliser un de ses dessins. Vous pouvez voir sa production sur le site suivant:
http://creseveur.hautetfort.com/medias/ )
Comment des chanteurs comédiens (qui pour certains font de l'évasion fiscale, des pubs pour les banques, les services publics privatisés, etc... ) se complaisant dans une charité intéressée qu'ils font perdurer (alors que pour Coluche elle ne devait être qu'une étape transitoire vers une prise en main du problème par l'état, c'est à dire par l'impôt et la "pression fiscale" qu'ils fuient) pourraient- il être progressistes? Déjà en 2006 j'avais imaginé la fort probable scène suivante qui m'avait valu pas mal d'insultes...L'affichage et le recours à la charité masque toujours l'injustice sociale.
La scène se serait passée lors d’un concert des enfoirés. Un groupe d’une centaine de personnes, en majorité des " personnes du troisième âge aux maigres économies ", aurait voulu s’introduire dans le concert pour dénoncer publiquement le double jeu moral de certains artistes (vivant directement d’après elles sur leur pauvreté, et se livrant pourtant à des opérations de charité ostentatoire), mais aussi leur prise de position politique " libérale " à peine masquée (à travers leur participation active pour des publicités vantant des " produits financiers spéculatifs " pourtant à haut risque, et aux effets bien réels et dévastateurs dans le monde, tant pour l’épargnant que pour les salariés sous la pression direct de ce genre " d’investissements "). Bien sûr, ces personnes ont été facilement éconduites et l’incident relativement passé inaperçu. Par la force des choses, ces personnes sont faibles physiquement, et donc " facilement contrôlables " selon l’expression (accompagné d’un rire nerveux) d’un vigile au look résolument moderne, portant beau visage, cheveux longs, et boucle d’oreille comme il sied dans ce milieu au courage civique et à la générosité légendaire. C’est donc dehors, sous un petit porche que s’est improvisée une mini conférence de presse. Minimale par la force des choses d’ailleurs, car nombres de journaux télévisés ou autres quotidiens nationaux n’étaient pas là . Pressentant " instinctivement " qu’ils avaient un intérêt bien compris à ignorer cette affaire (et leur intuition s’est avéré juste), ils ont préféré, utilisant leur principale arme, passer sous silence l’esclandre. Mais écoutons plutôt la principale porte parole de ce mouvement. " Nous sommes des petites gens à la retraite faible. Aimant ces artistes, lorsque nous les avons vu faire de la publicité pour certaines banques, nous avons penser que nous pouvions y placer nos maigres économies en toute sécurité. Ils nous traitaient presque d’imbécile dans ces pubs si nous ne profitions pas de ces opportunités ! Et voilà que ces banques, jouant avec notre argent pour en tirer un bénéfice et aussi rémunérer ces artistes qui ont fait de la publicité pour elles, ont dilapidé nos économies. Bien sûr, elles ont argué que nous savions ce que nous faisions en leur confiant notre argent. Or c’est faux. Certains d’entre nous ont vu leur argent " placé " d’office sans même le savoir. Et jamais les autres n’ont été sérieusement, je dis bien sérieusement, mis en alerte sur le risque qu’on leur faisait courir. Aucun de nous n’a voulu courir ces risques sciemment. Et d’ailleurs même si nous n’avions pas perdu d’argent, nous voulons être des épargnants honnêtes et tranquilles. Nous ne voulons pas gagner de l’argent en exploitant d’autres personnes, fussent-elles loin et inconnues de nous. Or maintenant, on fait tout pour décourager l’épargne honnête. Dans ces pubs, on présente, à peine implicitement, les gens qui persistent à être honnêtes comme des cons. Et ces artistes, si prompts à faire des sketchs sur l’imbécillité des fonctionnaires, font de la propagande active pour cette façon malhonnête et risquée de gagner de l’argent, en nous incitant nous leur public à aller placer nos économies dans ces banques au jeu pas très clair (ndlr : mais une banque peut-elle avoir un " jeu clair " dans le capitalisme contemporain et pourra-t-on éradiquer la " malhonnêteté " sans se débarrasser des structures du capitalisme financier contemporain ? Une question que notre interlocutrice s’est bien gardée d’explorer) . Lorsqu’ils touchent de l’argent en faisant de la publicité pour ces banques malhonnêtes (ndrl : un pléonasme assurément), et lorsque nous nous sommes fait plumés par ces banques, ils ont vécu directement de notre appauvrissement. Nous trouvons fort qu’après cela ils viennent faire des concerts pour appeler les citoyens à soutenir les gens dans la rue. Dans le cas présent, c’est eux qui nous y mettent activement dans la rue ! C’est comme s’ils nous plumaient deux fois en quelque sorte…. ". On comprend donc que ces personnes aient été " personnes non grata " chez les enfoirés, vu le degré d’honnêteté et de cohérence minimale qu’elles réclamaient dans le comportement de nos " artistes " (mais peut-il y avoir des " degrés " dans l’honnêteté d’ailleurs ?). On comprends aussi que la presse qui se fout complètement des choix de société implicites opérées à travers ses rentrées publicitaires, ait compris d’instinct qu’elle ne pouvait pas laisser s’exprimer au grand jour une telle vision des choses. " Si on commence à examiner jusqu’au bout la chaîne des responsabilités humaines et à réclamer cohérence et honnêteté entre les engagements verbaux et les comportements réels, nous sommes morts " aurait glissé en riant un journaliste bien connu à l’oreille d’un artiste bien connu, faisant de la publicité pour une banque elle aussi bien connue (quoiqu’en procès actuellement avec certains de ses " clients ")… Et la porte parole de conclure : " Je propose une idée de sketch ou de chanson comique d’un genre nouveau à nos artistes si prompts à chanter l’amour et à nous faire rire de tout : celle d’un humoriste qui réussirait à se faire passer pour généreux tout en vivant de la pauvreté de son public…. ". Assurément, voilà un thème éducatif que ne manqueront pas d’exploiter nos chers " enfoirés "….Mais ne sont-ils pas là pour nous " distraire " ? Mais nous distraire de quoi au fait ?
Une fiction sans grande imagination de Lionel Goutelle (2006)…..